A quoi ressembleront les medias en 2028 ?

Hier soir, j’étais invité chez Nicolas Voisin (six35.fr) pour débattre de l’avenir des médias. Nous étions sept à table : Magali Lacroze, présentatrice du JT du Web, Nicolas Voisin qui animait le débat, Philippe Couve de l’Atelier des Medias, Benoît Raphaël de LePost.fr, François Guillot d’Internet et Opinion, Damien Van Achter de la RTBF et votre hôte. La question était: Que sera la sphère médiatique demain, dans 20 ans? En somme, un thème bien “casse-gueule”, mais plutôt rigolo si on veut s’amuser en matière de prospective. Je m’étais préparé en mettant noir sur blanc quelques idées qui me trottaient dans le coco… Finalement la discussion a été très intéressante et beaucoup plus sérieuse que je le pensais. En revanche il y a eu peu de prospective et d’envolées lyriques sur les interfaces et applications du futur.  Alors, sur ce point, comme je me suis un peu censuré, malgré mes notes de bon élève (cf le scan ci-dessous), je me suis dit que j’allais en faire un post en attendant le JT du Web (quelques extraits de la discussion seront rediffusés normalement dans le JT du Web de jeudi 28/02 à 18h35) ! Mais avant de commencer je voudrais évoquer le flash-back que j’ai eu quand Nicolas m’a proposé cet exercice de prospective. En fait j’ai fait l’exercice inverse et je me suis souvenu d’il y a (presque) 20 ans ! Un évènement a eu un impact énorme sur la façon de « faire » de l’info : 1990, la première guerre du Golfe, CNN retransmet pour la première fois des images embarquées d’attaques aériennes de l’armée américaine et invente le concept d’ « embedded reporters ». Le témoignage des reporters embarqués apporte une intensité dramatique inédite dans le monde de l’info : les images sont de mauvaise qualité mais elles sont là pour « parler plus vrai » ! Cette tendance préfigure deux phénomènes : la montée en puissance de l’information spectacle et l’usage croissant du document « amateur ». Presque 20 ans plus tard, CNN lance I-Report, un site internet de video amateur d’information. En 1990, j’étais encore étudiant à Casablanca. À l’époque l’information circulait via la presse écrite, la chaîne d’info TV5 et la radio. Comme la plupart des familles juives au Maroc, nous étions scotchés au poste radio sur les quelques chaînes que nous parvenions à capter afin d’être informés le plus tôt possible des dégâts engendrés par les bombardements sur Israël. Quand je repense à cette époque, à la façon dont aujourd’hui l’accès à l’information a littéralement explosé et surtout quand je vois la croissance exponentielle des moyens de communication, je me dis que quoi que je puisse prévoir, il y a de fortes chances que le futur nous réserve énormément  de surprises… Je prends donc le risque d’y aller sans pincettes à propos des prédictions… Et puis de toute façon, dans vingt ans, qui lira cette note ???

En 2028, on vivra dans une société du loisir et du show-business. Je ne sais plus où je lisais que Warhol avait vu juste au dela de ce que l’on pouvait imaginer : on a tellement cherché notre quart d’heure de célébrité que l’anonymat est en train de devenir le luxe du 21eme siecle ! Le flux d’information permanent, multisource et multisupport dans lequel on baignera devra être filtré, hierarchisé et vérifié. Et on sera probablement prêt à payer pour ce contenu de qualité.

Faut-il s’attendre au développement du modèle payant ? Probablement. On nous proposera des services à haute valeur ajoutée, comme la sécurisation des échanges, l’authentification des sources et la protection de l’identité des acteurs. On verra aussi se développer le mécénat et la création de clubs ou d’associations d’intérêt public. Mais surtout on n’imagine pas encore ce que sera le système de rémunération de la nouvelle « nouvelle économie » : en 1990 qui pouvait prévoir qu’autant de fonds seraient investis dans des entreprises qui rendent des services gratuits et qui tirent leur rémunération de recettes publicitaires ?

Les contenus seront encore plus multimédia. Il seront 3D, olfactifs, kinesthésiques. On réalisera probablement des « reportages sensoriels » qui nous plongeront dans des environnements hybrides (mi synthèse, mi réalité). Mais les contenus évolueront avant tout avec les supports.

Nous allons vivre plusieurs phénomènes parallèles : la montée en puissance de la mobilité, celle de l’interactivité et la démocratisation de la video 3D, puis de la réalité augmentée (la superposition d’éléments synthétiques sur l’environnement réel). Internet sera totalement intégré à notre environnement. Le réseau sera ce qu’est aujourd’hui l’électricité. C’est-à-dire que tout sera connecté. Les murs, les sols, les portes,... les miroirs,... les cendriers… Nous aurons la possibilité d’accéder à de l’information en permanence : on s’habituera à la « consommation parallèle » et le critère de qualité pour un diffuseur ne sera plus l’audience mais l’attention. Les supports seront à la fois récipients et sources d’information. Le développement des interfaces Machine à Machine permettra une diffusion automatique de tout ce qui se passe sur le globe. Évidemment tout cela nécessitera encore une fois filtre, hiérarchisation, vérification et édition de l’information. On en revient à nouveau aux fondamentaux. Décidément, le (vrai) métier de journaliste (on inventera un nouveau nom pour ça), a encore de l’avenir…

Et pour vous à quoi ressembleront les medias dans 20 ans ?

BilletMichel LEVY-PROVENCAL