Les conférences seraient-elles l'avenir du travail ?

La semaine passée je découvrais cet article de Tim Leberecht, (le Chief Marketing Officier de FrogDesign) dans lequel il s’interroge sur l’importance des conférences au coeur de nos longues vies professionnelles : « les conférences seraient-elles l’avenir du travail ? ». Nous travaillons depuis sept ans à l’organisation de conférences comme TEDxParis ou L’ÉCHAPPÉE. Notre double rôle de prescripteur de contenus et d’organisateurs d’événements nous a en effet confronté au monde de l’entreprise, à ses limites dans la pratique quotidienne mais aussi à ses aspirations à faire quelque chose de différent. Assister à une conférence est une excellente façon de sortir la tête de notre quotidien numérique pour aller à la rencontre des autres. C’est une bouffée d’oxygène, voire de fantaisie, et bon moyen de créer du lien social. Au point que l’entreprise devrait s’inspirer des conférences pour devenir un lieu d’ « échanges sociaux, un théâtre d’interactions et de débats, de stimulation intellectuelle et affective, de moments de surprises et de satisfactions, et même de divertissement ». Leberecht met en lumière 5 éléments que l’entreprise peut tirer des conférences.

  1. « Les séminaires ont un impact significatif sur la culture de l'entreprise et la motivation des équipes.» Nous avons constaté que c’était souvent le seul moyen de nouer un contact humain et incarné avec ses équipes. Je rajouterai qu’être dans un lieu neutre accroît cette sensation d’intimité, car chacun se sent légitime de se l’approprier à égalité avec l’autre. Citée dans l’article, Lisa Shufro, organisatrice de conférence et ancienne productrice exécutive de TEDMed et du festival Life is Beautiful, précise: « une chose que les bonnes conférences font, est de mettre les personnes dans un état prompt à l'apprentissage. L'éclairage, les sièges, la nourriture, le programme et le calendrier : tout cela travaille de concert pour vous amener hors de votre zone de confort et aiguiser votre appétit pour la découverte. » Plus qu’une zone de confort, je pense qu’il s’agit d’une zone d’habitude : la routine a un effet rassurant, car la personne ne sort pas de son domaine de compétences et son propre logiciel interne n’est pas mis à l’épreuve.
  2. « Les dirigeants doivent savoir créer des communautés ad hoc, pour une période de temps limitée autour d'un objectif clair. En revanche ce lien devient durable parce que l'expérience, ou son souvenir, continue à avoir un écho. » Il faut en effet que le public se sente à la fois témoin privilégié et acteur de l’événement, qu’il puisse se l’approprier comme son voisin, même s’ils sont issus de cultures et d’univers très différents.
  3. La capacité à construire une histoire (storytelling) est désormais une compétence clé dans le monde du travail. Plus nos sociétés intègrent du virtuel, plus elles génèrent un besoin de relier réellement les individus. Et pour les relier, nous avons constaté qu’ils devaient se parler : évidemment pas décliner oralement leur CV ou leur biographie, mais raconter des histoires, se raconter. Leberecht nous explique qu’ « un nombre croissant d'entreprises ont créé le poste de « conteur en chef » et ont embauché des journalistes (voire même des écrivains) pour rassembler les histoires individuelles d'une organisation en un seul récit collectif inspirant ». Et plébiscité par tous, on retrouve le talk façon TED, en 18 minutes maximum. J’ai découvert ce format de conférences il y a presque 10 ans, et depuis, c’est une méthode que j’utilise de manière systématique lorsque je forme des clients en prise de parole en public. Son impact est sans commune mesure avec un discours classique, même bien rôdé.
  4. « En fournissant un cadre pour que l'inattendu se produise, les conférences offrent une alternative aux moteurs de recommandations algorithmiques et aux processus essentiellement linéaires au travail ». L’inattendu est un élément primordial dans les processus de réflexion et d’innovation : l’individu n’avance plus par rapport à une solution car il ne la connaît pas, il avance avec ses sens en éveil et sa créativité à son maximum.
  5. Enfin, Leberecht évoque le renoncement au contrôle en prenant l’exemple du Renaissance Weekend, précurseur dans le concept de non-conférence : « chaque convive est invité à donner au moins une conférence, à participer sur un panneau ou à modérer une discussion. Tout est officieux, et bien qu'il y ait un programme bien organisé, il y a beaucoup de place à la spontanéité et la circulation ». De la même façon, dirigeants et salariés doivent apprendre à lâcher prise et à sortir de leur zone de confort pour expérimenter autre chose, pour se retrouver à pied d’égalité. Ce ne sont plus les dirigeants qui sont seuls prescripteurs et experts, mais aussi les salariés.

Leberecht a raison quand il affirme que « les enjeux sont devenus plus élevés pour les organisateurs et les chefs d'entreprise ». Le fait que toutes ces nouvelles conférences soient plébiscitées montre l’engouement du public et sa soif de changement. Les organisateurs doivent donc être de plus en plus performants, tant sur le contenu que sur son enveloppe, et se mettre au niveau de l’exigence de son public. De leur coté, les entreprises doivent réaliser que ces formats déclenchent un regain de créativité et un fort désir d’interaction chez leurs employés, et qu’ils peuvent s’appuyer sur les organisateurs de ces conférences, pour créer une nouvelle dynamique dans leurs services. C’est donc notre rôle à nous organisateurs, d’assurer la transmission des valeurs, de l’énergie et des idées que nous portons dans nos événements, vers les entreprises, leurs dirigeants et leurs salariés, afin qu’ils puissent multiplier leur créativité et leur soif d’apprendre.