Êtes-vous « endo-humaniste » ?

Au crépuscule du XXeme siècle, Fukuyama annonçait « la fin de l’Histoire », comme l’enrayement des antagonismes idéologiques du passé et l’éclatante victoire de la démocratie libérale capitaliste. Nous le savons aujourd’hui, Fukuyama avait tort. Le processus ne s’est pas arrêté, il a muté. L’accélération inédite de la puissance technologique au début du 21eme siècle a dessiné de nouveaux clivages politiques qui ont, un temps, brouillé les cartes, mais qui, ces dernières années seulement, commencent à se cristalliser.

On a vu apparaitre le mouvement des néo-luddites, référence aux « briseurs de machines » dans l’Angleterre des artisans du XIXeme siècle. Il émerge à droite comme à gauche, chez les progressistes et les conservateurs. Il rassemble aujourd’hui les résistances réfractaires à la technologie, les défenseurs de l’ordre naturel et les détracteurs par exemple de la manipulation du vivant de la GPA et des OGM.

Simultanément le mouvement trans-humaniste est né, à l’autre bout du spectre, guidé par des fantasmes démiurgiques d’expansion radicale des êtres et des territoires. Les trans-humanistes trouvent leur place parmi les extrémistes de la liberté car ceux-ci acceptent la possibilité de la manipulation, voire de la marchandisation du corps et de la vie. Ils s’accommodent aussi des régimes autoritaires et collectivistes qui y voient une occasion de prendre l’avantage, demain, sur le plan géopolitique en rêvant de surhommes et de nouvelles planètes. 

Enfin, une pensée nouvelle émerge, soucieuse d’embrasser les moyens de l’époque, ni nostalgique, ni messianique, nihiliste ni du passé, ni du futur.  Elle réunit des citoyens qui ont l’intuition que notre société ne peut accélérer sans fin, ni s’arrêter, mais qu’elle doit retrouver un sens. Elle rassemble des individus qui ont à cœur, au-delà des bons sentiments ou de l’opportunisme politique, de mettre l’humain au centre des bouleversements actuels. Ils ont choisi la voie la plus complexe. Etymologiquement, il serait juste de les nommer « endo-humanistes », puisqu’ils veulent mettre l’Humain à l'intérieur de chaque chose.

Publié dans les Echos le 29 mai 2018.