Comment se protéger du grand remplacement par l’IA ?
En moins de trois ans, l’IA a franchi toutes les étapes d’une disruption. La fascination technologique est derrière nous. La phase de désillusion coexiste désormais avec les premiers gains de productivité. Et surgit un risque bien réel : la substitution directe de la force de travail intellectuelle.
Amazon, Fiverr, Anthropic, Shopify ou Duolingo ne parlent plus d’innovation, mais de restructuration ! La transition numérique est derrière nous : nous vivons une bascule civilisationnelle.
“Ce n’est pas une révolution technologique, c’est une révolution anthropologique.”
Cela peut sembler exagéré. Et pourtant, vous allez voir que ça ne l’est pas.
Je vous propose ici de comprendre pourquoi, et de résumer les travaux récents de chercheurs qui s’activent pour nous proposer une méthode, une boussole, afin de nous aider à garder ou regagner notre place dans le futur du travail.
L’alerte rouge est déclenchée
Revenons d’abord sur la situation actuelle.
Dario Amodei, PDG d’Anthropic, ne mâche plus ses mots : « Nous risquons jusqu’à 30 % de chômage dans les cinq ans. » Même son de cloche chez Micha Kaufman, fondateur de Fiverr, qui appelle ses employés à se former immédiatement pour éviter d’être remplacés. Le message est clair : personne n’est à l’abri, y compris ceux qui conçoivent l’IA.
Amazon, de son côté, a déjà licencié 27 000 personnes tout en déployant plus de 1 000 agents IA internes depuis 2022. Ce ne sont plus des tests. Ce sont des remplacements.
Trois phases pour comprendre la mutation
Le changement ne se produit pas d’un coup, mais en trois étapes. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est un article passionnant publié par Benjamin Todd, président de 80,000 Hours. (A lire sur 80000hours.org/agi/guide/skills-ai-makes-valuable/)
Étape 1 : La pyramide traditionnelle
C’est le modèle d’hier : une base large d’exécutants, un middle management étoffé, et quelques décideurs au sommet.
Étape 2 : L’automatisation émergente
Les tâches routinières disparaissent. Le middle management se réduit. La demande en experts IA explose.
Étape 3 : La pyramide s’inverse
Une poignée de décideurs stratégiques supervisent des armées d’agents numériques. C’est l’avènement du modèle “solo-entrepreneur” ou “solo-intrapreneur”.
L’avenir appartient à ceux qui sauront manager des IA, pas que des humains !
Jusqu’où ira-t-on ?
À court terme, l’automatisation va accroître la productivité. Les trois étapes vont se concrétiser. À moyen terme, les salaires des travailleurs qualifiés vont augmenter. Les gains de productivité et la croissance vont se poursuivre. La demande en ressources humaines et non-humaines va croître… mais jusqu’à un certain point.
À long terme, dans un scénario d’avènement de l’intelligence artificielle générale, le travail humain pourrait être radicalement disrupté. C’est la fameuse “falaise AGI” : une chute brutale de la productivité marginale du travail humain.
Sauf que ce scénario ignore deux éléments cruciaux :
l’inertie liée à la capacité d’acceptation de l’automatisation par les travailleurs ;
et un point fondamental en change management : le plus important dans le changement, ce n’est pas ce que l’on peut techniquement changer, mais ce que l’on souhaite humainement transformer.
C’est là que je voudrais vous parler d’une dernière publication
Désir vs Capacité
Pour déployer l’IA de manière raisonnée dans nos organisations – préserver notre rôle, optimiser l’acceptabilité, et éviter le rejet – une publication récente (https://arxiv.org/pdf/2506.06576) propose de cartographier les tâches selon deux axes :
le désir d’automatisation exprimé par les travailleurs ;
la capacité réelle de l’IA à exécuter ces tâches.
On obtient ainsi 4 zones :
Feu vert : forte capacité + forte désir → priorité au déploiement (ex. tâches administratives).
Feu rouge : forte capacité + faible désir → danger de rejet.
Zone R&D : forte désir + faible capacité → opportunité d’innovation.
Faible priorité : faible désir + faible capacité : à ignorer pour l’instant.
En étudiant les projets récents de startups IA (par exemple celles accélérées par Y Combinator), on observe que plus de 40 % d’entre elles se concentrent sur des tâches “Feu rouge” ou “Faible priorité”. Un décalage préoccupant entre les moyens investis et les besoins réels.
On investit massivement dans ce que les gens ne veulent pas. Et on oublie ce qu’ils attendent.
Si vous êtes en charge du déploiement d’agents IA, priorisez les zones Feu vert, et investissez dans la zone R&D. Faites une enquête dans votre organisation !!
Enfin, quelles compétences, quelles stratégies pour rester dans la course ?
Face à la vague qui vient, six compétences clés émergent :
Le déploiement d’IA : comprendre les outils, orchestrer les agents, paramétrer les flux.
Les soft skills : pensée critique, résilience, créativité, intelligence émotionnelle, leadership motivationnel.
Le leadership : vision, stratégie, gestion de l’ambiguïté.
La communication : créer du lien, raconter, juger de la qualité.
L’expertise en négociation : administration, diplomatie, régulation.
Les compétences physiques complexes : dans des environnements imprévisibles, peu robotisables à court terme.
Et ensuite :
Montez d’un cran : Fuyez les tâches routinières. Positionnez-vous là où l’IA peine encore : stratégie, décision, incertitude.
Exploitez l’IA maintenant : Devenez ambassadeur IA. Maîtrisez les outils. Soyez celui ou celle qui montre la voie.
Privilégiez les structures agiles : Rejoignez des environnements apprenants : petites équipes, startups, grands groupes agiles. Là où le feedback est immédiat et la responsabilité directe.