L'intelligence humaine n'a jamais existé !
L'intelligence humaine pure n'a jamais existé. Depuis le premier silex taillé jusqu'aux réseaux de neurones artificiels, nous sommes des cyborgs cognitifs en perpétuelle reconfiguration.
La vision dominante sur l'évolution cognitive humaine repose sur un présupposé séduisant mais fragile : celui d'un déclin progressif depuis un âge d'or (le paléolithique a priori) vers une dépendance technologique qui nous aliène de plus en plus. Cette lecture masque une réalité autrement plus complexe : l'intelligence humaine n'a jamais été une essence fixe mais un processus dynamique de co-constitution avec ses milieux. Nous avons toujours été des assemblages hybrides, distribuant nos capacités cognitives dans notre environnement.
En réalité, l'externalisation technique n'est pas une perte mais une caractéristique constitutive de l'évolution humaine. Le silex taillé était déjà une extension cognitive, tout comme l'écriture cunéiforme ou l'algorithme de machine learning.
L'écriture, souvent présentée comme première rupture cognitive majeure, ne remplace pas simplement la mémoire ; elle reconfigure fondamentalement notre rapport au temps, à la pensée et au pouvoir. Elle reprogramme notre conscience. L'alphabet n'est pas neutre : il porte en lui une certaine organisation du monde. Cette dimension fondamentale de l'externalisation cognitive s'intensifie avec le numérique. L'effet Google ou l'atrophie spatiale liée au GPS ne sont que la surface visible d'une transformation plus profonde.
Face à ces enjeux, et avec la démocratisation de l'IA, il nous faut penser un nouveau modèle de co-évolution avec la machine. Les deux intelligences (humaine et artificielle) pourraient évoluer mutuellement dans une tension productive. L'enjeu n'est pas de préserver une intelligence humaine totémisée mais au contraire tirer le meilleur de l'IA tout en maintenant notre capacité d'action et de critique dans cette reconfiguration permanente.
Comment faire ? Comment concevoir des IA qui augmentent notre puissance d'agir collective plutôt que de nous prolétariser cognitivement ? Pour revenir à des pratiques simples, je propose de développer une approche consciente de nos usages : prendre conscience des processus cognitifs en jeu à chaque fois que nous utilisons l'IA ; apprécier l'effort comme signe de croissance quand on décide de s'en passer ; accepter la lenteur cognitive du processus de réflexion exclusivement organique, elle est un signe de travail donc d'amélioration de nos capacités ; être responsable de notre préservation cognitive (et particulièrement celle de nos enfants). Cela ne suppose en rien d'arrêter d'utiliser l'IA. Bien au contraire.
Mais d'être conscient de ses potentiels effets et de l'utiliser comme une aide à la croissance cognitive plutôt qu'à son déclin. Je vous donne un exemple : une pratique personnelle de l'usage de l'IA consiste non pas à demander à la machine de raisonner, rédiger, générer du contenu mais d'abord à faire un travail de rédaction manuel et de demander à l'IA de le challenger (trouver les faiblesses, contre-argumenter, identifier les erreurs…).
En somme en faire un sparring partner cognitif plus qu'une béquille.
L'intelligence du futur ne sera ni humaine ni artificielle mais émergera de leur confrontation perpétuelle. Notre responsabilité n'est pas de préserver un passé mythifié mais d'inventer les conditions d'une hybridation émancipatrice plutôt qu'aliénante. Car si nous sommes condamnés à devenir cyborgs, autant choisir collectivement le type de cyborgs que nous voulons être.
PS : je n'ai pas encore lu ce livre, mais on me l'a vivement conseillé pour explorer ce thème...
Le guide pour ne pas se faire remplacer par son prochain collègue… artificiel.
Téléchargez gratuitement le guide indispensable pour ne pas se faire remplacer par son prochain collègue… artificiel.
60 pages pour comprendre. 90 jours pour agir. Une méthode en 4 étapes.