Le conseil est mort. Vive le conseil.

La pyramide s’effondre

Le modèle du conseil repose depuis des décennies sur une architecture simple : une pyramide. Au sommet, les associés vendent la vision, la relation, la confiance. À la base, des cohortes de juniors produisent l’analyse : recherche, benchmarks, audits, slides, modélisations. C’est précisément cette base qui est en train de se dissoudre. L’IA générative, les agents autonomes, les workflows cognitifs ont fait sauter l’asymétrie fondamentale du conseil : l’accès privilégié à l’information et la capacité à la traiter rapidement. Aujourd’hui, une grande entreprise peut déployer en interne des modèles entraînés sur ses propres données, capables de produire en quelques secondes ce qui nécessitait hier des semaines de travail facturé.

Dans la banque, la défense, le luxe, on voit émerger des cabinets de conseil internes augmentés par l’IA. Non pas pour remplacer les consultants… mais pour ne plus dépendre d’eux sur tout ce qui relève de l’exécution standardisée.

Cette transformation a une conséquence : la disparition progressive des rôles juniors. Les tâches qui servaient de rites de passage (analyser, compiler, auditer, produire) sont exactement celles où l’IA excelle. Les chiffres le confirment : le recul des embauches de jeunes diplômés dans les services professionnels n’est pas cyclique. Il est structurel.

Nous entrons dans une ère du “missing middle”. Si l’on ne peut plus apprendre en faisant le travail de base, comment forme-t-on le jugement, l’intuition, la nuance ? Le futur consultant devra arriver sur le marché non plus comme analyste, mais comme orchestrateur. Pour les écoles et les universités, le choc est immense. Les frameworks ne suffisent plus. La valeur se déplace vers la pensée critique, l’éthique, la capacité à superviser des systèmes autonomes et à décider quand les données sont incomplètes.

L’Horizon 2 : l’art d’orchestrer le chaos

C’est aussi l’effondrement des professional services dédié au court terme, à la simple amélioration de l'existant : la mort des missions à l’Horizon 1. Les agents excellent à cela. L’automatisation se charge d’optimiser et de produire à bas cout.

Si l’Horizon 1 est désormais automatisé.

L’Horizon 3, la stratégie long terme, l’est tout autant. Les IA savent déjà produire des visions ultra documentées à dix ans. Les scénarios, les plans d’action (risques et opportunités) sont des commodités générées par l’IA ! Si vous en doutez, regardez ce que font désormais les spécialistes du Scenario Planning à la Saïd Business School (ma formation). Ils déploient des IA qui ne cessent de générer les scenarios plus ou moins plausibles à long terme. J’ai moi-même déployé ces outils pour mes missions. Si cela vous interresse je vous en parlerai plus longuement.

En réalité, la valeur est dans l’entre-deux. Dans l’Horizon 2. Là où tout est instable. Là où il faut faire cohabiter un système legacy avec une architecture cloud. Là où la technique rencontre la politique interne, la régulation, les peurs humaines. C’est un territoire chaotique, non linéaire, profondément humain. Et pour l’instant, aucune IA ne sait le piloter seule. Dans ce nouveau monde, le consultant ne conseille plus. Il orchestre. Il devient un diplomate technologique, capable d’aligner des systèmes, des intérêts, des temporalités contradictoires.

Pour répondre à ce besoin, les consultants eux-même doivent évoluer.

Le consultant “centaure” qui s’engage sur le résultat

Les professionnels doivent s’augmenter par l’IA, être capables de simuler des milliers de scénarios en quelques minutes, pour réserver leur intelligence humaine à ce qui ne s’automatise pas : le jugement, l’éthique, la relation, la décision.

Dans un tel modèle, ce n’est plus l’obligation de moyen qui prévaut, c’est le résultat. Quand une tâche qui prenait cent heures peut être réalisée en quelques secondes, la facturation au temps devient absurde.

Le marché pousse déjà vers une tarification basée sur les résultats. Non plus des jours-hommes, mais des outcomes. Non plus des recommandations, mais des systèmes opérationnels. Nous assistons à l’émergence du Service-as-Software : le livrable n’est plus un rapport, mais un agent, une plateforme, un système intelligent intégré chez le client, qui continue de produire de la valeur après le départ des équipes. Et pardessus tout, l’hybridation avec de l’intelligence humaine capable de gérer ce que l’IA ne sait pas faire. Trouver le sens, prendre la responsabilité et piloter le chaos

Le cabinet ne vend plus une stratégie. Il la déploie, pas à pas, et l’adapte en continue.

Vive le conseil !

Le conseil tel que nous l’avons connu est mort. Nous passons d’une ère de prédiction à une ère de préparation et d’adaptation permanente. Ceux qui continueront à vendre des diagnostics génériques seront broyés par des agents gratuits. Ceux qui accepteront de devenir des architectes de transition, des gardiens de la confiance et des orchestrateurs de systèmes complexes ont devant eux un champ immense. Le conseil est mort. Vive le conseil.


Brightness Institute révèle sa 1ère collection “Adaptabilité”, 8 experts pour explorer l’adaptabilité, LA compétence clé de demain.

Et si votre organisation pouvait apprendre des meilleurs pour relever les défis de demain ?

 

IA, cybersécurité, géopolitique, innovation, Scénario Planning, leadership, storytelling… Brightness Institute lance sa première collection de formations “Adaptabilité” avec 9 programmes animés par des chercheurs, auteurs et experts de référence pour aider les organisations à :

  • Décider mieux

  • Coopérer plus vite

  • Innover sous contrainte.

Cliquez ici pour en savoir plus
Michel Levy provençal